Le droit à la réparation pour les entreprises

En mars 2023, j'ai assisté à une réunion d'information sur la proposition législative de la Commission européenne relative au droit à la réparation des consommateurs. Cette proposition fait partie du package européen "Green Deal", qui comprend également la directive sur l'écoconception et le plan d'action pour l'économie circulaire. L'idée est de prolonger la durée de vie des produits et, ce faisant, de réduire les déchets électroniques, de diminuer la pression sur les ressources naturelles et de dissocier la croissance économique des atteintes à l'environnement. Des appels similaires ont été lancés en faveur d'une législation sur le droit à la réparation au niveau des états et au niveau fédéral aux États-Unis, le dernier en date étant l'envoi par 28 procureurs généraux d'une lettre au Congrès à la fin du mois de mars.

Les moteurs du changement

La production de matériel informatique s'accompagne de risques environnementaux importants, notamment la pollution, les effets sur la santé humaine et la qualité de vie, ainsi que les émissions de carbone. Les déchets électroniques constituent le flux de déchets qui connaît la croissance la plus rapide sur la planète. Selon le Global Ewaste Monitor des Nations unies, ils devraient atteindre 74 millions de tonnes par an d'ici à 2030. Les chaînes d'approvisionnement posent problème étant donné l'endroit où certains matériaux sont extraits et les risques associés à ces zones. L'électronique contient également une quantité importante de matières premières critiques (CRM) dont l'approvisionnement est rare ou encore politiquement instable.   


Les réparations offrent également d'importantes possibilités environnementales et économiques. Un rapport de 2021 de Green Alliance a révélé que "la transformation de l'approche du Royaume-Uni en matière de réparation, de réutilisation, de recyclage et de refabrication pourrait créer plus de 450 000 emplois dans tout le pays d'ici à 2035". Un rapport des Nations unies indique que le reconditionnement et la remise à neuf complète contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 79 % à 99 % dans certains secteurs ; le reconditionnement complet permet d'économiser 82 % à 99 % des besoins en matières premières par rapport à une nouvelle production ; le reconditionnement entraîne une réduction de 69 % à 85 % de la consommation d'énergie et des émissions connexes par rapport au processus linéaire "prendre, faire, jeter".   

Implications pour le marché  

Les produits électroniques reconditionnés semblent bénéficier d'un soutien massif de la part du public, ce qui explique qu'ils soient de plus en plus répandus. Depuis un certain temps, les consommateurs peuvent acheter des téléphones portables reconditionnés, dont certains ont été recertifiés par le fabricant. Les principaux fournisseurs de services de téléphonie portable, comme Orange, proposent désormais des contrats pour des téléphones reconditionnés.  


Quant aux ordinateurs portables, tablettes et PC proposés par des entreprises comme Techbuyer, ils sont désormais disponibles sur des plateformes de vente dédiées aux seconds utilisateurs, comme Backmarket, Ebay et Amazon. Le secteur public intègre également le reconditionnement dans ses plans d'achat. Au Royaume-Uni et dans d'autres pays européens, la loi impose désormais qu'un pourcentage des achats informatiques du secteur public soit constitué de produits reconditionnés. En conséquence, de nombreux grands revendeurs doivent intégrer une large part de produits reconditionnés dans leur offre.   


La proposition législative de l'UE va plus loin dans l'idée de prolonger la durée de vie des produits en incitant les fabricants à réparer plutôt qu'à remplacer les produits pendant les deux premières années de leur durée de vie (à moins que leur coût ne soit prohibitif). La proposition rendrait également illégal le refus de réparer. Il est prévu de mettre en place des plateformes de réparation en ligne dans chaque pays membre, qui mettent en relation les clients avec des entreprises proposant des services de réparation et de reconditionnement.


La proposition prévoit également un formulaire standardisé d'information sur les réparations dans l'UE, qui inclura le prix, les conditions du service, le délai et l'utilisation d'un autre produit pendant la durée de la réparation.  Des entreprises comme Techbuyer, qui traitent et vendent déjà des équipements secondaires, seraient en mesure de se présenter et de rivaliser au niveau paneuropéen dans un cadre conçu par le gouvernement. Toutefois, la législation proposée n'intègre pas le marché B2B dans le droit à la réparation.    

Quelles sont les lacunes ?   

Cette législation sur le droit à la réparation concerne le marché des consommateurs, qui représente environ 37 % de l'ensemble des dépenses informatiques. Elle a été critiquée parce qu'elle ne tient pas compte de l'essentiel de l'impact. Toutefois, le développement du droit à la réparation pour les équipements professionnels pose toute sa part de problèmes. L'assistance et les upgrades des logiciels, qui sont nécessaires pour prolonger la durée de vie des produits, entrent en ligne de compte. Les clauses contractuelles entrent également en ligne de compte. Les logiciels et le matériel sont souvent regroupés dans les entreprises, et des tarifs préférentiels peuvent être accordés pour des contrats à long terme.

 

Sur le marché des serveurs, la tendance est de plus en plus à la location à long terme plutôt qu'à la vente de produits. Décrit comme "performance-as-a-service", "plateforme-as-a-service" ou "logiciel-as-a-service", le matériel informatique reste la propriété du fabricant et est géré par celui-ci. Les upgrades et le provisionnement supplémentaire sont intégrés dans un plan de service plutôt que d'être la responsabilité de l'utilisateur final. Greenlake de HP, proposé comme service aux clients qui souhaitent créer un cloud privé sur site, en est un bon exemple. Ce service s'adresse à un segment de clientèle particulier, distinct de celui des entreprises qui souhaitent acheter et gérer leurs propres serveurs ou migrer toutes leurs charges de travail vers le cloud.

 

La prolongation de la durée de vie des produits sur des parcs entiers est souvent plus complexe que la prolongation de la durée de vie des produits sur des appareils grand public. Elle nécessite une compréhension des logiciels, du matériel et de la maintenance, ainsi qu'une capacité à les intégrer dans un plan de gestion des actifs informatiques. Certains clients disposent de l'expertise interne nécessaire pour gérer une partie de ces éléments et se contentent de confier le reste à des sous-traitants. D'autres clients se sentiront plus à l'aise en confiant l'ensemble à un fournisseur de services. L'essentiel est d'avoir le choix et d'intégrer ce choix dans la législation qui soutient l'économie circulaire.  

Les prochaines étapes

L'élaboration d'approches plus durables de la fourniture d’équipements informatiques est un projet à long terme qui comporte de nombreux éléments variables. Dans l'UE, la révision de la directive sur l'écoconception est en cours et se concentre davantage sur l'informatique d'entreprise. Le lot 9 concerne spécifiquement les serveurs. La Commission européenne discute de la manière d'optimiser l'efficacité énergétique avec des parties prenantes telles que Techbuyer et Interact. Les idées en matière d'économie d'énergie comprennent des règles sur les paramètres du BIOS et un classement standardisé de l'efficacité énergétique des serveurs. Il est envisagé d'étendre la liste des matériaux des serveurs et de leurs composants afin de favoriser un meilleur recyclage à l'avenir. Il est également question d'inclure les équipements réseau dans une catégorie de produits distincte.   


L'issue de toutes ces discussions n'est pas claire. Toutefois, Techbuyer et ses partenaires travailleront d'arrache-pied pour obtenir le meilleur résultat possible.